Connais-toi toi-même : plongée dans la mythologie grecque
Nom de Zeus ! Cette semaine, la newsletter PSI parle des différentes représentations de la mythologie grecque dans la culture pop, avec une contribution exceptionnelle d'Aymar Azaïzia.
Alors que nous sommes chez PlayStation Inside en plein dans la publication de notre documentaire en trois parties sur l’histoire de God of War (retrouvez la partie 1 ci-dessous)…
…voici un nouvel épisode de la newsletter sur la mythologie grecque. Cette dernière, un pilier fondateur de la civilisation antique, est encore iconique dans la culture populaire plus de deux millénaires après. Outre les textes fondateurs des grandes religions monothéistes, aucune autre œuvre littéraire ne peut prétendre avoir eu un impact aussi durable sur la culture humaine que l’Illiade et l’Odyssée d’Homère. Il est donc tout naturel que les divinités olympiennes restent encore à ce jour actrices principales de contes modernes.
La civilisation contemporaine, revisitant incessamment les mêmes mythes, ne dispose pas de la capacité d’en créer de nouveaux qui auront la même portée sur les générations futures. Elle reste cependant assez créative pour réinventer ces mythes à l’infini. La technologie et la culture actuelle permettent de redécouvrir à chaque fois une nouvelle itération de Zeus et de sa très grande famille. Intéressons-nous aujourd’hui à la culture pop et à sa vision de la mythologie grecque.
Sommaire :
Xena la guerrière : l’Histoire à peu près (par Aymar Azaïzia)
The Next Penelope : Penelope n’attendra pas Ulysse (par Florian)
Dark Souls : Échos du panthéon Grec (par FX)
La folie des grandeurs de God of War III (par Yacine)
Xena la guerrière : l’Histoire à peu près (par Aymar Azaïzia)
Et oui, Xena ! J'ai pleinement conscience de la singularité d'un tel choix quand on nous offre une thématique aussi riche que celle de la Grèce antique et de la mythologie. Particulièrement pour quelqu'un qui a eu la chance de travailler en compagnie d'historiens et de chercheurs sur l'antiquité, notamment la Grèce et l'Égypte Ptolémaïque. Un ado qui avait lu l'Illiade et l'Odyssée, fan des chevaliers du Zodiaque et Ulysse 31 qui arrête le choix de son article sur une série B de fantasy au budget aussi réduit que les tenues de ses protagonistes.
C'est surprenant, mais pas inintéressant je l'espère ! Alors pour contextualiser, Xena la guerrière est une série de fantasy américaine proposant 6 saisons pour 134 épisodes au format 45 minutes. Elle appartient à Universal Television et a été tournée de 1995 à 2001 avec une diffusion mondiale (146 pays). Parmi les créatifs et producteurs on trouve Sam Raimi (oui, le Sam Raimi d'Evil Dead, Spiderman, Dr Strange) et comme actrice principale l'irremplaçable Lucy Lawless. C'est aussi et surtout une série spin off de Hercules, saga télévisuelle consacrée au demi dieu. La volonté de l'établir en série indépendante, et ceci très rapidement, est assez évidente. Dès la première saison d'Hercules, 3 épisodes sont consacrés au personnage de Xena, permettant de l'introduire avant de lui confier les rênes de son feuilleton éponyme dans les mois suivants !
Maintenant qu'on a une idée de ce qu'est Xena, pourquoi parler d'une série au budget minuscule, qui enquille les erreurs géographiques et historiques, s'amuse avec la mythologie, le tout tourné en Nouvelle-Zélande (et c'est très beau, sublimé par Peter Jackson dans le Seigneur des Anneaux, mais je vous promet qu'on en est loin), et qui n'a littéralement rien de proche de la culture Grecque, qu'il s'agisse des décors, des tenues... En fait rien n'est authentique en dehors de la présence d'un panthéon et de créatures tirées du bestiaire mythologique.
Et bien parce que cette série a été un phénomène mondial, comme on n'en avait pas connu beaucoup avant. Xena et Hercules, non content de cumuler des centaines d'épisodes ont donné naissance à une kyrielle de projets transmédia (série animée, comics, autre spin-offs dont Young Hercules avec Ryan Gosling !), et chacune a respectivement été la série la plus regardée au monde. Pour situer c'est le Game of Thrones de l'époque !
La série phare et culte à l'époque c'était Baywatch, connue sous nos latitudes sous le titre "Alerte à Malibu", on se passera de commentaires à ce stade... nos sauveteurs en maillots rouge adeptes de la course au ralenti dans le sable finiront éclipsés par des minotaures en plastiques, des effets spéciaux douteux, mais beaucoup de passion et d'humour.
C'est d'ailleurs assez fascinant de constater à quel point Xena constitue le socle de connaissance d'une grande partie du public sur la Grèce antique. Lors d'études et de tests sur le consommateur que l'on réalisait durant la conception d'Assassin's Creed Odyssey, j'ai compris que si les américains arborent fièrement des noms de créatures mythologiques comme les Minotaures, Gorgones et autres Harpies pour leurs équipes de football, et qu'ils vouent un culte aux guerriers de l'époque, ils ne font pas une association entre l'antiquité et la médecine, la démocratie, ou l'Histoire. Pour eux c'est simplement une terre de mythes et légendes comme dans la série.
Ce qui, au final, fait de Xena une série avec un charme intemporel pour moi, c'est sa capacité à réaliser que l'on est en train de faire du grand n'importe quoi. Tout est prétexte à proposer un récit et des personnages hauts en couleur et tant pis pour le réalisme, la précision ou le sérieux. Je me souviens de la sortie du jeu de rôle papier de Xena qui comportait dans sa préface un long message des producteurs de la série, assez hilarant, qui reconnaissait clairement que la géographie, les armes, armures du show, ou la quantité de robes transparentes ne correspondaient à aucune réalité, mais qu'ils avaient voulu livrer un monde amusant, dans lequel les acteurs, et les écrivains, et maintenant nous les futurs joueurs puissent trouver du plaisir.
Et cette notion de plaisir au cœur d'une œuvre tend tellement à disparaitre au profit de marqueurs et de cases à cocher, que je pense que c'est un des éléments fondamentaux que m'a appris cette série. C'est la raison pour laquelle cette œuvre m'a particulièrement marqué, et que je continue à regarder avec plaisir un épisode quand je tombe encore aujourd'hui sur une rediffusion sur le câble.
The Next Penelope : Penelope n’attendra pas Ulysse (par Florian)
Il est rare de voir la mythologie grecque être sortie de son contexte historique : autrement dit, de transposer ces légendes dans une autre temporalité. Connaissez-vous Arkedo Studio ? Lancée en 2006, cette entité indépendante de Camille Guermonprez et Aurélien Regard est à l’origine de jeux grand public, leur création la plus connue étant sans aucun doute leur « Nervous Breakdown » sur Nintendo DS. Mais voilà qu’en 2013 le studio fait faillite, et Aurélien Regard décide de se lancer en solitaire avec un jeu audacieux : adapter librement l’Odyssée d’Homère.
Le jeu prend alors la forme d’un twin-stick shooter dans un univers futuriste, dans lequel Pénélope, la femme d’Ulysse, doit retrouver son mari, et empêcher la destruction de la galaxie. Un mélange des genres audacieux porté par une esthétique et des règles uniques. Tantôt, ce sera de la course où il faudra tout faire pour arriver premier. Tantôt, il faudra échapper à un ennemi coriace quand il ne faudra tout simplement pas le défier dans une arène, lors d’un combat de boss.
La proposition d’Aurélien est une folie, tout ce que l’univers du jeu vidéo indépendant pourrait proposer aujourd’hui. C’est tranché, c’est singulier. C’est unique. The Next Penelope n’est pourtant pas un jeu de cette année. Il est sorti en 2015 et disponible sur Switch depuis 2018. L’information est importante puisque j’aurais aimé terminer cette pastille sur une note positive. Mais malheureusement, mon essai avec le jeu sur Steam ne s’est pas révélé le plus convaincant, le titre étant coupable de nombreux bugs ternissant gravement l’expérience. Des tours qui ne sont pas comptabilisés, des tutoriels qui ne se terminent pas, des boss increvables, un tremblement de l’écran trop prononcé... j’aurais aimé vous dire que l’Odyssée fut épique mais agréable. Mais au bout de trois heures à tenter tant bien que mal d’avancer malgré les tempêtes et les sirènes, j’ai fini par jeter l’éponge. Ithaque ne sera pas sauvé, l’univers non plus.
Et pourtant, toutes les personnes qui ont découvert ce jeu auparavant ou sur la console de Nintendo m’ont assuré que le jeu fonctionnait parfaitement. Pour un jeu sorti en 2015, il me semble que les mises à jour successives ont quelque peu détérioré l’expérience. Alors, je lance une bouteille à la mer. Puisse un jour Aurélien revenir sur son incroyable création. Car The Next Penelope mériterait bien une seconde chance. Après tout, l’Iliade vient avant l’Odyssée.
Dark Souls : Échos du panthéon Grec (par FX)
Aujourd'hui, nous nous intéressons à l'influence subtile mais profonde de la mythologie grecque dans la série Dark Souls, le jeu culte de From Software. Si à première vue, l'univers sombre et impitoyable de Dark Souls peut sembler éloigné des récits de dieux et héros grecs, on trouve pourtant de nombreuses références, inspirant autant les personnages que les thématiques du jeu.
Dans la mythologie grecque, les dieux de l’Olympe incarnent des forces de la nature et des traits humains extrêmes, et sont souvent en proie à des luttes de pouvoir intenses. Zeus règne sur les cieux, Hadès sur les enfers, Poséidon sur les océans : chacun a un rôle majeur et une puissance inégalée. Cette hiérarchie divine, avec ses alliances et ses rivalités, trouve un écho dans le monde de Dark Souls, où les Seigneurs (comme Gwyn, le Seigneur des cendres) régissent différents aspects de la réalité, rappelant le rôle des Olympiens. Les luttes internes entre Gwyn et les autres entités majeures (notamment les Abysses, représentant une force destructrice), évoquent la dynamique d’une mythologie où chaque dieu a sa propre influence, mais aussi ses failles.
Les Titans et autres créatures mythologiques, souvent repoussés dans les profondeurs ou bannis par les dieux, sont une thématique fréquente de la mythologie grecque. Dark Souls reprend ce concept à travers ses nombreux boss titanesques, comme les Géants et le Dragon Ancien. De même, des personnages déchus, comme Artorias le Marcheur des Abysses, rappellent ces héros grecs tragiques, maudits ou bannis par des puissances qui les dépassent. Artorias, tout comme Prométhée ou Icare, se retrouve déchu pour avoir défié des forces plus puissantes que lui, offrant au joueur une expérience empreinte de tragédie et de grandeur.
Dans la mythologie grecque, le feu est un symbole sacré, offert aux hommes par Prométhée, malgré l'interdit de Zeus. Dans Dark Souls, la Flamme Primordiale représente aussi une source de pouvoir sacrée et de destruction, mais elle est vouée à s'éteindre avec le temps, plongeant le monde dans une ère sombre. Le thème du feu qui anime et détruit, tout en exigeant des sacrifices (comme Gwyn se sacrifiant pour alimenter la Flamme) est profondément ancré dans la pensée grecque et donne une dimension symbolique puissante au jeu.
Les mythes grecs sont pleins de récits cycliques et de destins inévitables, où héros et dieux revivent les mêmes luttes. Dans Dark Souls, les cycles de lumière et de ténèbres qui se répètent sans fin rappellent ces mythes : l’ère des dieux est vouée à s’éteindre, et l’âge des hommes est constamment menacé de sombrer dans l’obscurité. À chaque mort et résurrection, les joueurs endossent le rôle d’un héros mythologique, condamné à se relever pour accomplir un destin inexorable, comme Sisyphe poussant son rocher éternellement.
La folie des grandeurs de God of War III (par Yacine)
De God of War III, nous avons tout dit. Tout ? Pas totalement, car la partie 2 de notre documentaire est encore à venir…
En attendant, abordons la troisième aventure de Kratos, et plus précisément ce combat dantesque contre Cronos. Dans ma vie de joueur, c’était une époque faste. Uncharted 2, Assassin’s Creed II, Call of Duty Modern Warfare 2 (beaucoup de 2)… l’apothéose est arrivée avec God of War sur PS3, celui qui a poussé plus loin encore ce que je pensais possible de la part de Santa Monica.
Avec une caméra fixe et des plans savamment orchestrés entre rapprochement et éloignement, le combat contre Cronos est un modèle. On nous fait ressentir constamment à quel point Kratos, tout violent qu’il soit, reste de l’ordre de l’infiniment petit par rapport à un Titan. Et non seulement il nous faut le battre, mais il faut aussi et surtout l’escalader ! Chaque étape est propice à une nouvelle variation de gameplay, et la mise en scène vient parachever cela pour nous faire ressentir plus que jamais auparavant la notion de « l’immensité ». Rares sont les studios capables de donner cette sensation, comme si nous la vivions dans notre peau.
Inspirées probablement par Shadow of the Colossus, les équipes de Santa Monica ont donné avec le combat contre Cronos ce qui constitue à mes yeux la meilleure séquence de l’histoire de la saga God of War. Même si j’avais déjà joué au 1 et au 2, et même un peu sur PSP, GOW 3 est vraiment le premier jeu avec Uncharted 2 qui m’a fait comprendre que le jeu vidéo pouvait non seulement rivaliser avec le cinéma en termes de spectacle, mais aussi le surpasser.
Et de là est née une passion pour Kratos, qui sera malheureusement balayée par les épisodes nordiques que je ne porte pas en mon cœur… Mais ça, c’est pour une autre fois. Vive Sparte !
Encore une très belle newsletter !!!